.Chagall - le conteur
Marc Chagall, Livre d’or de Florence Maeght, 1969.
Qu’est-ce qui a séduit Aimé dans les œuvres de Chagall ? Son regard émerveillé, le télescopage des images et des cultures ? Sa vision singulière et audacieuse ? Ses animaux qui volent, ses soldats qui boivent ? L’ensemble sans doute et l’homme, l’intarissable conteur, son enthousiasme et son authenticité. « Lorsque j’ai connu l’homme, j’ai compris qu’il était un grand peintre » dira-t-il. Leur rencontre se déroule à New York, lors du premier voyage du jeune marchand, en 1947. Puis Aimé va le retrouver, en France, dans un petit village, à Chambourcy, en face d’un autre grand peintre, André Derain, pour le prendre sous contrat. Il est séduit par le chat vert et rose qui lèche un visage à l’envers, par des maisons obliques aux toits rouges, par des chevaux aériens qui mangent des navets, par un coq géant, par le bas qui se confond avec le haut, par le proche et le lointain qui se juxtaposent, par l’espace où tout semble flotter…
Marc Chagall, Les Amoureux au clair de lune , 1952, gouache sur papier, 65 x55 cm
Aimé comprend que dans les tableaux de Chagall, il n’y a ni désordre, ni système mais que derrière toutes ces images folles se cache un homme subtil au-delà de toutes anecdotes. Il y trouve, sans doute, sa part d’irrationnelle.
« Un tableau est une surface couverte avec des représentations de choses (objets, animaux, formes humaines) dans un certain ordre, dans lequel la logique et l’illustration n’ont aucune importance » explique le peintre.
Marc Chagall dans son atelier peignant La Vie destinée à la Fondation Maeght.
Sa vie durant l’artiste racontera des histoires, des récits, liés à sa propre histoire et à celle de son peuple. Des histoires issues de l’Ancien Testament, mais aussi des histoires qui s’effilochent, qui se croisent, se mêlent. Impossible de dissocier Chagall de son enracinement, de sa jeunesse à Vitebsk et de son éducation au sein de la communauté des hassidim, juifs fervents. Ainsi, on retrouve dans ses tableaux un style de récit utilisé, par les rabbins, et qui refuse toute théorie lourde, mais allie ferveur mystique et humour.
Marc Chagall, Le Soleil jaune, 1958, huile sur toile, 97x130 cm.
En avril 1950, la première exposition de Marc Chagall, à la Galerie Maeght, rassemble un ensemble de ses divers modes d’expression, peintures, lavis, gouaches, gravures et céramiques. À cette occasion, il exécute dans les ateliers Mourlot sa première affiche lithographique. Cette année-là, le peintre s’installe à Vence ; puis en 1966, à Saint-Paul, sur la même colline que les Maeght.
Aimé Maeght, Marc et Vava Chagall, Paris, 1962.
Les filles d’Adrien et de Paule passent souvent à bicyclette le voir. Il leur raconte, comme des contes, la bible. Les Maeght et Chagall ont de nombreux amis communs dont André Malraux qui l’impose, en 1964, pour décorer la Coupole du plafond de l’Opéra Garnier, à Paris. Pour l’inauguration officielle où se presse le monde politique et artistique, Aimé Maeght choisit Isabelle, 9 ans, à son bras.
Joan Miró et Mar c Chagall à un vernissage à la galerie Maeght.
Le 7 juillet 1973, jour de son 86ème anniversaire, toujours avec son ami André Malraux, il inaugure le Musée national Message Biblique Marc Chagall, à Nice. En 1976, il illustre de quinze eaux-fortes « Et sur la terre » de Malraux qui paraît, aux éditions Maeght, quelques semaines après la mort de l’écrivain. La Galerie et la Fondation Maeght, célèbreront régulièrement l’artiste au travers de rétrospectives, d’expositions et d’éditions.
Discours de Marc Chagall à l’occasion de la remise de la Légion d’honneur à Aimé Maeght, 28 septembre 1964. à droite Marc Chagall à la Fondation Maeght, 1978
« Peindre. Un homme a passé sa vie à peindre. Et quand je dis sa vie entendez bien. Le reste est gesticulation. Peindre est sa vie. Que peint-il? Des fruits, des fleurs, l’entrée d’un roi dans une ville ? Tout ce qui s’explique est autre chose que la vie. Que sa vie. Sa vie est peindre. Inexplicablement. Peindre ou parler peut-être : il voit comme on entend. Les choses peintes sur la toile à la façon des phrases feintes. Les mots s’enchaînent. Tout fait phrase après tout, il n’y a pas à comprendre : est-ce que la musique, alors pourquoi la peinture ? » Louis Aragon, Derrière Le Miroir, 1972
Marc Chagall dans son atelier parisien, quai de l’Horloge, 1968.
Un Russe par un Russe, "Dans la neige" par Marc Chagall, 1922.
Superbe affiche de l'exposition Chagall en décembre 1969 à la Galerie Maeght
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