Presse - Yoyo Maeght, L'enfant de l'art
Yoyo Maeght dans Technikart spécial art,
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Petite fille d’Aimé, galeriste mythique et créateur de la fondation Maeght de Saint-Paul-de-Vence, fille d’Adrien, illustre éditeur d’art, Yoyo Maeght perpétue la tradition familiale. Cette passionnée d’art et de ceux qui le font cumule les casquettes avec une belle et dynamique générosité : éditrice, commissaires d’exposition, professeur, mais aussi amies et marraines bienveillantes de nombreux artistes.
Pouvez-vous nous parler de la manière dons votre famille a contracté le virus artistique ?
L’histoire commence avec mon grand-père Aimé Maeght. C’était un homme hors du commun issu d’un milieu modeste, très intelligent, débordant d’idées et qui ne jurait que par l’art et la musique. Je crois que dans le fond, il voulait être artiste, mais il a choisi de se mettre au service des artistes. Il a d’abord travaillé avant-guerre comme dessinateur lithographe. Puis il a rencontré ma grand-mère Marguerite, et ils ont ouvert un atelier de gravure et de lithographie à Cannes. Pendant l’occupation, la côte d’azur a été le refuge de beaucoup d’artistes et de collectionneurs. Mon grand-père a fait des rencontres déterminantes : celles de Pierre Bonnard, puis celle de Henri Matisse. L’atelier est vite devenu une galerie d’art, présentant des jeunes artistes de la région. Ce n’est qu’après la guerre, qu’il a ouvert sa galerie à Paris, rue de Téhéran. Il y a d’abord exposé Matisse et Bonnard, puis George Braque, enfin Miró, Giacometti et Fernand Léger. Après un voyage à New-York, il a organisé une exposition mythique sur le mouvement surréaliste conçue par André breton et Marcel Duchamp. Aimé est devenu un des galeristes et marchands d’art les plus importants de l’après-guerre. A la différence de ce qui se faisait à l’époque, il s’intéressait moins à la promotion des œuvres d’art qu’à celle des artistes. En cela, il est un précurseur des galeries d’art actuelles…Sa consécration a été de créer la Fondation Maeght, à Saint-Paul-de-Vence, un lieu porteur de modernité qu’il a nourri de ses idées géniales. On pouvait y voir les œuvres d’art des meilleurs artistes, mais aussi assister à des concerts de musique, des conférences, des rencontres ou fréquenter sa bibliothèque. Ce lieu a fortement inspiré le centre George Pompidou qui est né 13 ans après.
Qu’est-ce qui vous a convaincue de vous engager vous aussi dans le monde de l’art ?
Il y a eu plusieurs évènements très importants. Le premier : j’ai sept ans, et je suis à Saint-Paul-de-Vence avec Juan Miró qui était pour moi comme un oncle adoré. Cet après-midi-là, Duke Ellington vient répéter dans les jardins de la Fondation. Il improvise au piano un « Miró blues ». Et Miró me dit : tu vois, il utilise le même instrument que Mozart. Ensuite il poursuit : j’utilise les mêmes couleurs que Rembrandt. Et pour que je comprenne bien le sens de son propos, il ajoute : et toi, tu utilises les mêmes mots que Prévert. Pour la petite fille que j’étais, ça a été une révélation : j’ai compris que la matière ou l’outil sont toujours les mêmes, et que seuls le talent et l’intelligence font l’œuvre !Un autre événement, c’est une exposition à la Fondation où je ressens une émotion artistique inoubliable en me retrouvant face à une immense jungle du Douanier Rousseau.Ensuite, il y a eu, après la mort de mon grand-père, l’amitié de l’artiste Aki Kuroda, qui m’a poussée à travailler dans la galerie Maeght. J’avais un peu plus de vingt ans, et il m’a donné le meilleur conseil qui soit : tu n’as pas le droit de ne pas y aller.
Depuis votre enfance, vous n’avez cessé d’entretenir une très grande proximité avec les artistes…
L’humain, c’est essentiel. Il y a des artistes que je connais depuis très longtemps. Ils n’ont pas besoin de moi pour diffuser leur œuvre, mais je les accompagne. Les artistes sont de grands inquiets, à la fois dans une espèce d’arrogance, de certitude de leur travail et en même temps dans un doute permanent. Je ne dis pas que je suis là pour les rassurer, mais le fait de les accompagner, de poser un regard et de parler avec eux, ne serait ce qu’amicalement, de leur travail, leur fait du bien…J’adore aussi découvrir de nouveaux talents. Il n’y pas si longtemps, en étant juré au Prix des Beaux-Arts à Paris, je suis tombée en admiration devant les tableaux de Karolina Orzelek, une jeune peintre polonaise extrêmement talentueuse. Je suis allé la voir dans son atelier, je l’ai encouragée, et c’est elle qui a remporté le prix, doté tout de même de cinq mille euros. Elle a pu s’acheter du matériel et exposer pour la première fois. Aujourd’hui, elle prépare déjà une deuxième exposition pour la fin de l’année dans une galerie du Marais. À cette occasion, je vais éditer une estampe d’elle. Je la soutiens. Je la cite régulièrement sur mon compte Instagram, ce qui lui donne une visibilité. A son sujet, je dis à mes amis collectionneurs : « pour une fois, achetez quelque chose en dessous du prix que vous mettez d’habitude ! » Oui, accompagner et promouvoir un artiste, c’est quelque chose qui compte beaucoup pour moi. Je tiens sans doute ça de mon grand-père !
« Sur cette photo de couverture, j’ai trois ans et demi et je suis avec Pablo Picasso et Jacques Prévert dans une exposition de collages réalisés par ce dernier. Je demande à l’ogre, puisque je l’appelais affectueusement comme ça, pourquoi sur un de ses collages, parmi six messieurs la tête à l’envers, il y en avait un la tête à l’endroit ? Il m’a répondu, comme il le faisait si souvent, par une question : tu aurais préféré qu’elle soit à l’envers ? »
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