Série - Café et bistrots dans l'art
Que serait Paris sans son Café de Flore !!! Le fameux set en papier dessiné par Sempé et qui couvre les tables de la terrasse. Combien sont emportés chaque jour… Il faut dire que c'est un joli souvenir de Paris à rapporter.
Abreuvoir, cafeton, assommoir, gargote, bar, bibine, bistroquet, buvette, cabaret, caboulot, débit, estaminet, marchand de vin, mastroquet, bouchon, rade, restaurant, troquet, zinc, café…
Le café c'est aussi cette boisson qui arrive en Europe aux alentours de 1600 introduite par les marchands vénitiens.
Gravure du Café des incroyables de 1797.
"Madame du Barry prenant son café" par Pierre Edouard Dagoty (12 Sep 1775 - 1871). Jeanne Bécu, Comtesse du Barry, Maîtresse-en-titre de Louis XV.
Pierre-Auguste Renoir, "Au Café", vers 1877.
Gustave Caillebotte, "Au café", 1880.
Quelle beauté ! "Le Café", par Édouard Manet, 1880.
Voilà une "Femme au bord de la mer" de 1884 de Jean Béraud. Il naît en 1849, à Saint-Petersbourg, alors son père, sculpteur, travaille probablement au chantier de la cathédrale Saint-Isaac. Béraud passe sa petite enfance en Russie, il n'a que 4 ans quand sa mère, veuve, rentre en France. Jeune homme il intègre les Beaux-Arts de Paris et devient un peintre apprécié par la bourgeoisie férue d'art. Ami d'Auguste Rodin de Pierre Puvis de Chavannes ou de Marcel Proust dont il même le témoin lors de son duel avec l'écrivain Jean Lorrain.
"Le Café de nuit" de Vincent Van Gogh peint en 1888 représente le café de la Gare, sur la place Lamartine d’Arles. La scène, comme l'indique le titre du tableau, se passe la nuit, précisément à minuit et quart, d'après l'heure affichée sur l'horloge du fond de la salle. C'est une magnifique "photographie" d'un café en Provence au XIXe siècle, grande pièce haute de plafond, lampes à gaz, billard, bouteilles de bière et bouquet de fleurs.
Fernand Toussaint, "Café Jacqmotte, Bruxelles", vers 1896.
Pierre Bonnard, "Le Café", 1915. C'est devant une toile comme celle-ci que je ressens ce que mon grand-père, Aimé Maeght, m'expliquait de l'art de Bonnard. Je parle évidemment beaucoup de l'artiste dans mon livre, mais ce passage correspond tellement à cette peinture. Pour rappel, la rencontre des deux hommes se fit à Cannes, alors que Papy était ouvrier dans une imprimerie.
"Les discussions des deux hommes [Pierre Bonnard et Aimé Maeght] font mûrir le poulain et sa compréhension de l'image, à la fois intuitive et technique jusqu'à présent, s'enrichit de connaissance et de sensibilité.
Plus tard, Papy confiera : « Il s'était formé entre Bonnard et moi une espèce d'amitié très curieuse qui dépassait l'amitié de deux hommes avec une telle différence d'âge. Pour moi, Bonnard est « le » peintre. Dans les longues discussions que j'ai eues avec lui, c'est lui qui a été à la base de mon évolution et de l'ouverture de mon esprit à l'art vivant. Sans Bonnard, j'aurais peut-être continué comme les autres marchands. Bonnard est arrivé au moment dans ma vie où je voulais faire ce grand saut vers l'art moderne et c'est lui, d'abord par sa peinture et par les nombreuses réflexions et les nombreuses discussions que nous avons eues ensemble, qui m'a fait comprendre ce que pouvait être l'art moderne. » Extrait de La Saga Maeght.
Une sacrée photo qui pourrait résumer à elle seule ce qu'étaient les communautés artistiques de Paris. Moïse Kisling, Pâquerette et Picasso, à Montparnasse au café La Rotonde, photographiés le 12 août 1916, par Jean Cocteau !
La coupe de cheveux de Kisling est vraiment inouïe, quant à Paquerette, elle porte ce drôle de chapeau chinois, Picasso est plus sobre, casquette et pipe au bec.
Kisling, on n'en parle pas assez et pourtant quel peintre !
Pâquerette était une comédienne de son vrai nom Marguerite Jeanne Puech, elle tourna avec les plus grands, Marcel l'Herbier, Henri-Georges Clouzot, Jacques Becker, Yves Allegret et tant d'autres…
Cette photo est vraiment un petit morceau de l'histoire de l'art. Elle fait partie d'une bobine entière, et pourtant que la pellicule était chère et rare à l'époque. Le même jour Cocteau à photographié les copains de Montparnasse avec, entre autres, Modigliani, Max Jacob, André Salmon, Manuel Ortiz de Zarate, Picasso, Kisling !
Diego Rivera, "La Terrasse de Café", 1915. Entre cubisme et pointillisme. Tout y est la guéridon, la cuiller à absinthe, le siphon…
Boire un kawa au comptoir, avec d'Amedeo Modigliani, disparu en 1920, il est au centre, tout en noir.
Un déjeuner vite fait avec une copine au "Chop Suey", avec Edward Hopper comme témoin, 1929.
"Au café avec Fernand Fleuret", 1940, du peintre Breton Pierre Savigny de Belay.
"Rarement provincial de mon âge (j’avais quinze à seize ans) fut, sans transition, transplanté dans un aussi singulier milieu. Je rencontrais quotidiennement Picasso qui était en pleine époque bleue. Guillaume Apollinaire, cuirassé de velours et bagué de pierres maléfiques, posait les assises d’une nouvelle religion – assisté d’André Salmon, de Pierre Mac Orlan et de Francis Carco. C’était la pleine efflorescence du Cubisme, mais cela n’eut aucune influence sur moi ; une loi fondamentale guidait mes recherches : l’étude de la nature. Un long travail peut seul amener tout créateur artistique à perfectionner ses moyens d’expression".
Portrait d'Alexander Calder par Saul Steinberg de 1946.
Il faut bien regarder les détails, la chaise de bistro, le pot de moutarde… Et la gueule, c'est vraiment ça ! Calder est à Paris en 1946, pour une exposition.
Steinberg, lui aussi, est un fidèle de Paris et de la Galerie Maeght. Deux Américains à Paris.
Léonard Foujita, "Au café", 1949.
Tsuguharu Foujita signifie : héritier de la paix et champ de glycines !
Tokyo et Paris sont ses deux patries, de naissance et de cœur : «Mon corps a grandi au Japon, mais ma peinture a grandi en France», disait Foujita. La composition est épatante, avec le bord de la table légèrement en biais, reprenant les codes des natures mortes hollandaises, les teintes aussi les rappellent, et ce petit espace sous table, qui attire notre regard, le mystère s'y trouve !
Ahhhh, un bon café, inouï, il n'a même pas refroidi depuis 1961, Roy Lichtenstein, "Cup of Coffee". Voilà une œuvre emblématique du Pop Art. Représentation des objets du quotidien ou de surconsommation. L'objet, rien que l'objet.
Jörg Immendorff, "Cafe Deutschland", 1980.
Entre 1977 et 1982, Immendorff a créé une série de peintures, dessins et estampes intitulée Café Deutschland, dans laquelle les idéologies opposées de l’Allemagne de l’Est et de l’Ouest sont représentées sur une scène métaphorique.
Des tables inhabitées occupent le premier plan de cette toile monumentale, sur laquelle les bougies brûlent en rouge, noir et jaune — les couleurs du drapeau allemand. À la surface d’une grande bibliothèque autoportante à gauche, la Porte de Brandebourg de Berlin est peinte, vue de l’ouest. De petites figures escaladent désespérément la bibliothèque; c’est un stand-in pour le mur de Berlin, qui a physiquement divisé la ville de 1961 à 1989.
Manolo Valdes, "La Taza", 1994.
Pour ma série Cafés et bistrots, le plus beau comptoir, c'est celui du Café de la Place à Saint-Paul-de-Vence, bien sûr. Tout au bout du comptoir, sur le mur, "Fanny" voir ci-après.
Ce bijou est accroché au mur, c'est la Fanny du Café de la Place à Saint-Paul-de-Vence.
C'est César, le sculpteur qui la réalisée, les Dadaïstes ne l'auraient pas reniée.
Etre "Fanny" dans le midi, c'est quand à la pétanque un perdant n'a marqué aucun point dans la partie, alors, il doit embrasser les fesses de Fanny.
Alors on se presse devant le petit théâtre, attiré par la cloche ardemment agitée, le rideau est fermé, le perdant est placé devant, et sous les houuuu, le rideau s'ouvre et il doit embrasser les belles fesses roses. César a même accroché un mini tabouret "pour les petits". Humiliation publique qui annonce une tournée générale ! Les traditions ne se perdent pas, et c'est heureux.
Café avec Rita Hayworth, Orson Welles et Marlene Dietrich.
Ce cher Jacques Brel, indémodable.
Le p'tit café du matin avec Marilyn, c'est encore meilleur.
Aki Kuroda, un incontournable des troquets parisiens, ici rue Daguerre, photo de ma sœur Flo.
Et pour terminer, une autre peinture de Pierre Bonnard.
Pierre Bonnard, "La nappe à carreaux rouges ou "Le déjeuner au chien", 1910.
On ressent l'attente du chien, on imagine son regard qui essaie d'attraper celui de la femme, et pourtant Bonnard n'a pas besoin de peindre le détail des yeux. C'est en cela qu'il est fabuleux, il donne une impulsion et le spectateur poursuit son œuvre.